La seule route classée Monument Historique de France est baignée de champs de lavande

Moins de 5 kilomètres séparent Aix-en-Provence du Tholonet par cette route qui s’étire au sud-est de la ville. Un mince ruban d’asphalte sans artifice, simplement bordé de murets de pierre et de cyprès, où l’on croise plus facilement un vélo qu’un autocar. Pourtant, depuis 1959, la route Cézanne est la seule route de France à être classée Monument Historique, protégée pour le regard qu’elle offre sur la montagne Sainte-Victoire, ce bloc calcaire qui hante l’œuvre du maître aixois.

Fin juin et tout début juillet, la route se termine par des champs de lavande en contrebas, juste devant le château du Tholonet.
À l’écart de l’agitation du centre-ville, c’est une échappée presque confidentielle, fréquentée surtout par les habitants du coin et quelques amateurs éclairés.

Ici, la Provence s’égrène sans mise en scène. Chaque virage découvre un décor différent : pinèdes aux senteurs de résine, vignes alignées au cordeau, champs d’oliviers tordus par le mistral et, à la belle saison, de belles parcelles de lavande qui viennent poser leurs touches mauves dans le paysage. Les bastides se dissimulent derrière des haies ou des portails discrets, comme pour rappeler que le luxe ici n’est pas ostentatoire.

Au loin, la Sainte-Victoire change de couleur selon l’heure, passant du rose au gris bleuté, dans le même silence que Cézanne venait chercher au siècle dernier. 

La route classée prend fin au Tholonet, mais continue jusqu’à la montagne Sainte-Victoire, chère à Cézanne. À l’entrée du Tholonet, la grande bastide qui abrite la Société du Canal de Provence, avec ses volets verts et ses platanes centenaires, donne tout de suite le ton : ici, peu de restaurants et pas de boutiques thématiques. Profitez d’une partie de boules à l’ombre des platanes, et dégustez un verre en terrasse. 

Le Tholonet est le point de départ de nombreuses randonnées pédestres dans le massif classé de la Sainte-Victoire. Garez-vous sur le parking des Infernets au centre du village. Quelques pas supplémentaires suffisent pour atteindre le barrage Zola, discret ouvrage du XIXᵉ siècle, où l’on profite d’un autre angle sur la Sainte-Victoire. La montée est assez raide mais parfaitement balisée.

Les bus de ville ne circulent pas sur la route Cézanne elle-même. Pour la découvrir, mieux vaut donc enfourcher un vélo, ou même partir à pied pour les plus motivés. Attention toutefois : la route est étroite, sinueuse, sans trottoirs, et la circulation y reste soutenue, ce qui la rend peu sûre pour les piétons. Il est donc recommandé de privilégier le vélo, quitte à marcher sur de courts tronçons, et de rester particulièrement vigilant dans les virages.

Par contre, depuis Aix-en-Provence, la ligne 13 du réseau de bus vous dépose au Tholonet en 15 minutes à peine (par Palette), ce qui vous permettra de venir ou retourner en ville par le bus.

En 2025, Aix-en-Provence consacre toute une année à célébrer Paul Cézanne, son enfant prodige. Au programme, plusieurs temps forts qui plongent au cœur de son univers et de ses lieux de prédilection, pour mieux comprendre le lien unique entre le peintre et sa terre natale.

Au centre de cet hommage, le musée Granet accueille du 28 juin au 12 octobre 2025 l’exposition internationale « Cézanne au Jas de Bouffan ». Près d’une centaine d’œuvres y sont réunies, grâce à des prêts exceptionnels venus d’Amérique, d’Europe et du Japon. Cette exposition inédite éclaire l’importance du Jas de Bouffan dans l’évolution artistique de Cézanne, là où son regard et sa palette se sont affirmés au contact des paysages provençaux.

Non loin de là, la bastide du Jas de Bouffan, ancienne propriété familiale, poursuit sa renaissance. Ce domaine fut à la fois la maison, l’atelier et le laboratoire à ciel ouvert de Cézanne. En 2023, on y a même mis au jour une œuvre inédite peinte à 20 ans dans le Grand Salon, témoignage précieux de ses débuts. Les visiteurs peuvent aujourd’hui découvrir un parcours pédagogique, des salles d’expositions temporaires, ou encore la restitution de la cuisine telle que Cézanne l’a connue. 

Pour saisir l’intimité du peintre, direction l’atelier des Lauves, bâti en 1901 sur ses propres plans. Ce lieu, dernier sanctuaire de sa création, rouvre de nouveaux espaces, notamment au rez-de-chaussée, autrefois réservé à l’accueil. On y découvre encore les objets familiers qui ont servi de modèles à ses natures mortes. 

Enfin, à quelques kilomètres, les carrières de Bibémus composent un véritable musée à ciel ouvert, où Cézanne a peint entre 1890 et 1904. Sur place, un parcours révèle sept motifs emblématiques, directement inspirés de ces roches ocre et de la silhouette massive de la Sainte-Victoire, qui ornent aujourd’hui les cimaises des plus grands musées du monde. Réaménagé récemment, le site permet une plongée saisissante dans l’inspiration brute du peintre.